Vendredi. Sommés par leur patron de choisir entre leur prime de fin d’année et le maintien du poste de Sandra (Marion Cotillard), les seize collègues de la jeune femme ont tous choisi leur prime
Sandra, motivée par son mari Manu (Fabrizio Rongione), convainc son patron d’attendre lundi pour faire à nouveau voter l’équipe. Elle a un week-end pour persuader ses collègues de la laisser garder son emploi
Dans son très beau livre, Sur l’affaire humaine (Seuil), Luc Dardenne écrit :
« Comment sortir de la peur de mourir sans tuer ? Voilà l’affaire humaine. »
Tous les films des frères racontent cette affaire humaine et tous, celui-ci plus encore que les précédents, répondent comme Luc :
« Devenir vivant et s’aimer, s’aimer soi-même et aimer l’autre, c’est-à-dire s’aimer comme séparés. Voilà le dénouement possible de l’affaire humaine. » (Jean-Dominique Nuttens, Positif n°639, mai 2014)
Né de la lecture de la nouvelle Le Désarroi du délégué, issue de La Misère du monde de Pierre Bourdieu, et de nombreux articles dans la presse internationale, Deux jours, une nuit est un portrait de femme en temps de crise, et celui, en creux, d’une société qui met les siens en concurrence – une concurrence d’une rare violence.
Marion Cotillard, nouvelle venue dans le cinéma des frères Dardenne, campe Sandra. Sortant de dépression, absente de son entreprise, elle est battue d’avance. Elle est exclue car perçue comme « non-performante ». Portée par un mari aimant (Fabrizio Rongione, un fidèle de la tribu des cinéastes), Sandra décide de se battre. Et comme partie en campagne électorale pour elle-même, elle fait du porte-à-porte
Rencontrant ses collègues un à un, elle leur répète les mêmes mots, avance les mêmes arguments. Mais chaque rencontre est différente : les regards, le décor, la réponse. Car il n’y a ni bons, ni méchants, seulement des humains qui ont tous une bonne raison de faire leur choix
Rencontre entre recherche d’un réalisme brutal et écriture dramatique ciselée, Deux jours, une nuit ajoute la notion de suspense à l’œuvre des Dardenne, sans jamais trahir leur engagement, toujours extrêmement fort, pour leur sujet.
« Il y a cette force supérieure qui anime depuis toujours les Dardenne, une forme d’empathie dans le regard, une expérience du monde qui fait qu’aucune scène, même la plus mélodramatique, ne paraîtra jamais fabriquée ou artificielle. Appelons cela le cœur intelligent. » (Romain Blondeau, Les Inrockuptibles, 21 mai 2014)
Deux jours, une nuit Belgique, France, Italie, 2014, 1h35, couleurs, format 1.85
Musique Petula Clark, Van Morrison, The Cousins, Olibwoy
Décors Igor Gabriel
Costumes Maïra Ramedhan-Levi
Production Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne, Denis Freyd, Les Films du Fleuve, Archipel 35, Bim Distribuzione, Eyeworks Film & TV Drama, France 2 Cinéma, RTBF, Belgacom
Interprètes Marion Cotillard (Sandra), Fabrizio Rongione (Manu), Catherine Salée (Juliette), Baptiste Sornin (M. Dumont), Pili Groyne (Estelle), Simon Caudry (Maxime), Alain Eloy (Willy), Lara Persain (la femme de Willy), Myriem Akheddiou (Mireille)
Cyril (Thomas Doret), bientôt 12 ans, n’a qu’une idée en tête : retrouver son père (Jérémie Renier) qui l’a placé provisoirement dans un foyer pour enfants. Il rencontre par hasard Samantha (Cécile de France), patronne d’un salon de coiffure, qui accepte de l’accueillir chez elle pendant les week-ends.
« Soir du premier jour de tournage. Cyril existe. Premier plan où il mord et fuit. C’est lui : mordre, fuir et suivre, fuir pour suivre celui duquel il ne peut se décrocher : son père. » (Luc Dardenne, Au dos de nos images II, 20052014, Seuil)
Poings serrés au fond des poches, air bagarreur, Cyril (prodigieux Thomas Doret, alors débutant) a en lui une colère indomptable, une rage dont il est prisonnier. Mené par une idée fixe (retrouver son père, retrouver l’amour), il fait les mauvaises rencontres et bascule peu à peu dans la délinquance.
Le Gamin au vélo tient du récit initiatique :
« On a eu envie de bâtir le film comme une sorte de conte. Avec des méchants qui font perdre au garçon ses illusions et Samantha qui apparaît un peu comme une fée. À un moment, on a même pensé fugitivement appeler le film Conte de notre temps. » (Jean-Pierre Dardenne)
Si Jean-Pierre et Luc Dardenne sont ici fidèles à leurs obsessions (les rapports filiaux, une façon brute de saisir les sentiments), ils ne manquent pas de se réinventer.
Pour la première fois, ils tournent en été, offrant à leur image davantage de lumière et de douceur.
Ils choisissent également une actrice confirmée pour le rôle de Samantha : Cécile de France est leur premier personnage à ce point solaire. Et quelques notes élégiaques du concerto de Beethoven, L’Empereur, ponctuent le récit.
Une nouveauté. Le Gamin au vélo est un film émouvant, mais qui ne verse jamais dans la sensiblerie : l’ellipse comme figure de style, rempart des frères Dardenne contre le mélo.
« La place qui est donnée ici à l’émotion n’a pas à être invalidée au motif que les films contemporains sont si prudents qu’ils la tuent en la dosant (peur d’en faire trop, ou pas assez). L’émotion dans ce film n’est pas l’effusion programmée, mais vient plutôt de la composition organique de ce système : avancer, se cogner, avancer toujours, agir, faire des choses et soudain il y a simplement un temps d’arrêt qui survient, imprévu, où quelque chose jaillit dans cette course, ce principe d’action continue, de dépense d’énergie, Cyril qui pédale et pédale, ce gamin dont le père ne veut plus s’occuper, qu’une fille recueille comme ça, pour rien, et ces deux-là finissent par se trouver bien ensemble, il y a un moment où ça s’arrête et l’on sent un instant quel mal parfois on fait aux gosses. »
(Jean-Philippe Tessé, Cahiers du cinéma n°667, mai 2011)
Le Gamin au vélo Belgique, France, Italie, 2011, 1h27, couleurs, format 1.85
Production Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne, Denis Freyd, Les Films du Fleuve, Archipel 35, Lucky Red, France 2 Cinéma, RTBF, Belgacom
Interprètes Cécile de France (Samantha), Thomas Doret (Cyril), Jérémie Renier (Guy Catoul), Fabrizio Rongione (le libraire), Egon Di Mateo (Wes), Olivier Gourmet (le patron du café)
Le festival Lumière participe à l’insertion professionnelle des réfugiés et des personnes en situation de précarité
Le festival Lumière, en lien avec la Préfecture du Rhône et, aujourd’hui, la Préfecture de Région, organise une opération, dans le cadre de la quinzaine de l’intégration, visant à permettre aux personnes réfugiées, de se rapprocher de l’emploi depuis 2012.
Le principe est de proposer à des personnes accompagnées par des structures d’insertion d’être intégrées aux équipes de bénévoles durant le festival de cinéma Lumière. Cette action a, depuis quelques années, favorisé la diversité de la participation des citoyens à l’organisation du festival, la mise en œuvre de compétences spécifiques dans le cadre de parcours d’insertion professionnelle, la création de liens et la valorisation des personnes et de leur place sur le territoire qui les accueille et où elles habitent. Par ailleurs, une mise en lien avec des entreprises partenaires (EDF et groupe Adéquat) est organisée à l’issue du festival (rencontres entreprise, présentation métiers, job dating, offres de stages et autres contrats de travail).
Les bénévoles suivent une formation de deux heures, voire plus, à leur mission. Le festival Lumière les accompagne sur le terrain pour veiller à leur bonne intégration et au bon déroulé de leurs missions, en lien avec les équipes du festival.
Le festival vise aussi à offrir une ouverture culturelle à ces bénévoles. Ils bénéficient d’une visite guidée du musée Lumière, d’un atelier en lien avec le cinéma et de séances de cinéma préparées.
En 2019, presque 150 personnes, dont 20 venues de Clermont Ferrand et du Puy-de-Dôme ont participé à l’action !
En 2020, de nombreuses associations et leurs membres s’engagent pour participer à l’organisation et au déroulement du festival mobilisant différents publics :
Personnes réfugiées : Forum réfugiés Rhône et Clermont-Ferrand, Singa, Passerelles Buissonnières, Ifra, Côté Projets, Langues comme une
MNA : foyers Matter
Personnes placées sous main de justice : Programme Devenirs
ASE : sauvegarde de l’enfance
Jeunes adultes (18-25 ans) en ruptures : l’Epide
Personnes en situation de handicap psychique : Clubhouse Lyon
Tout public (demandeurs d’emploi, jeunes, adultes…) : Ifra Cultur’ailes, Pôle Emploi, Mission Locale (via la maison Lyon pour l’emploi)
Visite au cinéma muet avec, au programme, deux ciné-concerts au sein de l’Auditorium de Lyon : La Chair et le Diable de Clarence Brown, début de la fructueuse collaboration entre le cinéaste et la divine Greta Garbo, accompagné par l’Orchestre national de Lyon sous la direction de Timothy Brock, sur une musique de Carl Davis, et La Femme et le pantin de Jacques de Baroncelli, accompagné à l’orgue par Paul Goussot.
LA CHAIR ET LA DIABLE – 1926 – FLESH AND THE DEVILDE
Elèves-officiers, Leo von Harden (John Gilbert) et Ulrich von Eltz (Lars Hanson) sont amis depuis l’enfance. Lorsqu’il rencontre Felicitas (Greta Garbo), Leo succombe immédiatement à sa beauté renversante.
Naît alors une folle passion entre les deux amants, qui un soir sont surpris par le mari de Felicitas. Le duel est inévitable, le mari meurt et Leo est envoyé pour cinq ans en Afrique. Ulrich doit veiller sur la veuve pendant l’absence de son ami…
« Greta Garbo avait quelque chose que personne n’avait jamais eue à l’écran. Personne. Je ne sais pas si elle était consciente qu’elle l’avait, mais elle l’avait. […] Pour moi, Garbo commence là où tous les autres s’arrêtent. » (Clarence Brown, cité par Kevin Brownlow, La parade est passée, Actes Sud / Institut Lumière)
La Chair et le Diable est un tournant. Premier film de Clarence Brown pour la MGM, au sein de laquelle il restera plus de vingt ans, mais aussi premier des sept films qu’il tournera avec Greta Garbo, récemment arrivée d’Europe. Et sans doute, le film qui la confirme en tant que star.
Clarence Brown offre ici à celle que l’on nommera bientôt « La Divine » un superbe écrin. L’image et la lumière (la scène de la cigarette éclairée à l’ampoule cachée) participent d’une parfaite beauté plastique, le montage subtil exalte le tempo des mouvements, les gros plans et les détails disent l’action à la place des cartons (le liseré noir sur le mouchoir annonçant le deuil…).
Dans ce tragique triangle amoureux, Greta Garbo joue a égalité avec les hommes, inversant parfois les rôles et dominant le jeu de séduction.
Clarence Brown ignore la censure, tournant des scènes à l’érotisme chargé de symboles, d’une audace troublante pour l’époque : dans une église, Garbo tourne le calice tendu par le prêtre pour y boire du côté touché par les lèvres de Gilbert ; la scène où, lovés l’un contre l’autre, les deux amants, sur le point de s’embrasser, partagent une cigarette…1h52, noir et blanc, format 1.33
Réalisation Clarence Brown
Scénario Benjamin Glazer, d’après le roman « L’indestructible passé de Hermann Sudermann »
Photo William Daniels / Montage Lloyd Nosler / Décors Fredric Hope, Cedric Gibbons / Production M.G.M
Interprètes John Gilbert (Leo von Harden), Greta Garbo (Felicitas), Lars Hanson (Ulrich von Eltz), Barbara Kent (Hertha), William Orlamond (l’oncle Kutowski), George Fawcett (le pasteur Voss), Eugnie Besserer (la mère de Leo), Marc MacDermott (Count von Rhaden), Marcelle Corday (Minna)
Sortie aux Etats-Unis 25 décembre 1926 / Sortie en France novembre 1928 / En partenariat avec Warner Bros
Jouer avec « Ayrton » dans la piscine à l’eau de mer !
Une course-poursuite avec « Léonce » jusqu’au Solarium
Ayrton, c’est le petit chien d’Ora Ito
Léonce, c’est le bouledogue français de Gérald Passedat
EXPERIENCES SENSORIELLES ET LUDIQUES CET ETE EN MEDITERRANNEE
Le Petit Nice, c’est aussi la blancheur des calanques de Marseille en inspiration dans chaque univers perceptible avec en couleur, le bleu du ciel et de la mer, les voiles de bateaux aux teintes orange, la générosité du soleil
PLONGER SA TÊTE DANS L’EAU SUR LE FOND TURQUOISE DE LA PISCINE
COMME UN POISSON, NAGER LES YEUX GRANDS OUVERTS
Le Petit Nice, c’est une histoire d’enfants devenus grands, une histoire d’artistes passionnés
SUCCESS STORY
Gérald Passedat est l’héritier d’une dynastie d’artistes et de cuisiniers :
Lucie Passedat, sa grand-mère, soprano célèbre du début du siècle, était muse de Louis Lumière (lyonnais et fondateur du cinéma avec son frère Auguste)
Son père, Jean-Paul, à la fois chanteur lyrique et cuisinier !
Gérald Passedat a hérité le goût du beau, le sens du rythme, l’amour des choses bien faites.
« MES TRESORS DE MEDITERRANNEE »
Depuis plus de 30 ans, la cuisine de Gérald Passedat n’a de cesse d’explorer les terres et les rivages de la Provence et de la Méditerranée. Baigné dans la culture de la diète méditerranéenne et la cuisine du peu, sa précision et son épure se sont concentrés sur le travail autour des poissons de Méditerranée.
Que ce soit dans son travail quotidien avec les pêcheurs artisanaux, le travail intensif pour la valorisation de la biodiversité des espèces ainsi que dans la palette de techniques déployées pour les sublimer.
Gérald Passedat s’est imposé comme le spécialiste du poisson méditerranéen. Plongée dans son univers maritime singulier.
UNE VIE AU BORD DE LA MER « JE PASSAIS MA VIE À LA MER. LE PARFUM DE L’IODE ÉTAIT OMNIPRÉSENT »
Gérald Passedat est né au Petit-Nice, face à la Méditerranée, avec au large les îles du Frioul, le Château d’If, l’île Gaby. Aussi loin qu’il se souvienne, il a toujours eu la mer à portée de main, faisant partie de tous les instants de sa vie. « Je passais ma vie à la mer », se souvient le Chef.
« Le parfum de l’iode était omniprésent ». Dans ses origines, du côté de sa grand-mère italienne, il y a bien sûr un grand-oncle pêcheur, originaire de Rapallo. Dans ses souvenirs, parties de pêche, balades en bateau, baignades dans les Calanques : c’est la mer qui fait le lien de tout son univers. L’essentiel de la cuisine de Gérald Passedat provient de ce qui s’étend devant lui tous les matins, l’endroit d’où il puise force et vitalité : LA MÉDITERRANÉE.
CHEZ MICHEL GUÉRARD, J’AI RETENU LA LÉGÈRETÉ ET L’IMPORTANCE DE LA DIGESTIBILITÉ DES PLATS. DE JEAN ET PIERRE TROISGROS, IL ME RESTE LE TRAVAIL SUR LES SAUCES ET LES SUCS, AINSI QUE L’IMPORTANCE DES TEMPS DE REPOS.
LA CONSTRUCTION D’UNE IDENTITE CULINAIRE PERSONNELLE
Dans son premier ouvrage consacré justement à son travail autour des poissons, Gérald Passedat révélait avoir construit son menu comme une plongée sous-marine, un voyage initiatique maritime tel qu’il l’a vécu :
« GAMIN, TU JOUES D’ABORD SUR LES ROCHERS, CURIEUX DE TOUT CE QUI DÉPASSE. TU GLANES MOULES, VIOLETS, OURSINS…
PUIS, TU UTILISES TON PREMIER MASQUE, À LA DÉCOUVERTE, DES PETITS CRUSTACÉS, DES POISSONS DE ROCHE, AVANT DE T’ENFONCER PLUS PROFOND, EN APNÉE, PUIS AVEC DES BOUTEILLES, EN QUÊTE DES GROS POISSONS. »
C’est tout cet univers qu’il choisira d’explorer bien des années plus tard, après sa formation marquée par ses passages chez Michel Guérard ainsi que Jean et Pierre Troisgros. Du premier, il retient l’élégance et la légèreté. Des deuxièmes, chez qui il fut chef-saucier, c’est la maîtrise des sucs, des réductions, des concentrations ainsi que de l’importance du repos des chairs qui l’inspireront de retour à Marseille.
« Chez Michel Guérard, j’ai retenu la légèreté et l’importance de la digestibilité des plats. De Jean et Pierre Troisgros, il me reste le travail sur les sauces et les sucs, ainsi que l’importance des temps de repos. » Il restait à appliquer aux poissons de Méditerranée les techniques que la cuisine française traditionnelle réservait jusqu’alors à la viande….
SES TRESORS DE MEDITERRANEE
Dans les années 80, les plus beaux spécimens des poissons de Méditerranée montait directement à Paris servir les plus belles tables… Sur les étals des poissonniers de la région restaient donc essentiellement les poissons mal-aimés, comme le saran, le verdaou, la barbarelle, le canthe (dorade noire), le marbré (dorade), la liche, la vieille… Des poissons si méprisés qu’ils n’ont de noms que vernaculaires, souvent absents du dictionnaire, alors qu’ils peuvent devenir, par la magie du cuisinier, de vrais trésors de goût. Gérald Passedat l’a toujours affirmé : les poissons méconnus sont les plus passionnants à travailler, nécessitant pour donner leur quintessence de s’écarter des sentiers battus.
Quand les palais raffinés ne juraient que par le cabillaud ou le saumon, Gérald Passedat a su imposer dans le domaine de la gastronomie ses « trésors de Méditerranée » comme il aime à surnommer la pélamide, le muge, la baliste ou la liche, quelques-unes de la soixantaine d’espèces fréquemment présentes à la carte du Petit Nice et qui ont toutes leur singularité.
LES POISSONS ONT TOUS LEUR ODEUR, LEUR TEXTURE ET LEUR GOÛT BIEN DISTINCT.
QUAND ILS SORTENT DE L’EAU, LES POISSONS SENTENT BON : UN POISSON DE ROCHE SENT LA PROFONDEUR, LA GIRELLE SENT L’ALGUE ET LE SABLE, CAR ELLE A ÉVOLUÉ DANS LES POSIDONIES, LES POISSONS DE HAUTE MER, COMME LE LOUP OU LE DENTI, SONT TRÈS IODÉS…
QUAND AU ROUGET, CE N’EST PAS POUR RIEN QU’ON LA SURNOMME BÉCASSE DE MER, CAR ELLE ÉVOQUE À LA FOIS LA ROCHE ET LE GIBIER !
J : Jols delices de Mediterranee Servis au Petit Nice
L : Langouste Liche Lisette Loup
M : Maquereau Marbré Merlan Mérou Morue Mostelle Muge Murène
O : Oursin
P : Pageot Pagre Pataclet Pélamide Poissons de roche Poisson sabre Poulpe
R : Raie Rascasse Roucaou Rouget
S : Saint-Pierre Sar Sar tambour Sardine Saoupe Sarran Sebaste Seiche Seriole Sole
T : Thon rouge Totène Turbot
V : Veirade Verdao Vive Vieille
LA MEDITERRANEE EST SOUVERAINE
Car ce n’est au final pas le Chef qui décide du menu, mais la mer et les pêcheurs, comme le rappelle l’inscription omniprésente sur les cartes du restaurant : « LA MÉDITERRANÉE EST SOUVERAINE ».
Au Petit Nice, depuis Germain Passedat, fondateur de l’établissement, on a toujours travaillé avec les pêcheurs, Jean-Paul Passedat, père de Gérald, continuant aussi la tradition. Gérald Passedat a affiné sa collaboration avec les pêcheurs locaux en bonne intelligence, fidélisant et agrandissant ce cercle de pêcheur par sa fiabilité, son respect de leurs prix, discutant des bonnes pratiques de pêche, élaborant avec eux un cahier des charges respectueux des tailles et des saisons, revendiquant les techniques de pêche traditionnelles.
Ainsi, les poissons sont pêchés à la palangre (technique sélective attestée dès le XVIIe siècle à Marseille, importée par les Catalans installés en ville), au casier, au girelier (nasse de jonc traditionnelle) ou même simplement à la main, notamment pour certains coquillages ou pour les anémones de mer.
Le travail délicat de ces orfèvres de la pêche leur vaut de voir leur nom figurer sur la carte du restaurant, car sans eux, pas de cuisine :
LA DAURADE EST PRÉSENTE « GRÂCE À LA PÊCHE D’ALAIN »
LE LOUP « GRÂCE À LA PÊCHE DE FÉLIX ET GROS LOUIS »
LE PAGRE « GRÂCE À LA PÊCHE DE JEAN ET CLAUDE »
LA PÉLAMIDE GRÂCE AUX FILETS EN COLIMAÇON DU BATEAU « PISTOLET » AMARRÉ AU VALLON-DES-AUFFES…
Ce cercle –presque une famille- de pêcheurs, c’est le fruit de 20 ans d’échanges au quotidien, de constatations sur le changement climatique encore, affectant la taille des poissons aussi bien que leurs variétés, certaines espèces se faisant plus rare, comme les cigales de mer :
« IL N’Y A PAS DE VÉRITÉ ABSOLUE SUR LA PÊCHE, TOUT EST UNE QUESTION DE RÉGION, DE SAISON, D’ÉVOLUTION DES CONNAISSANCES… » RECONNAÎT LE CHEF AVEC MODESTIE.
Entre économie (assurer le quotidien des pêcheurs) et écologie (préserver les ressources), la pratique raisonnable de la pêche traditionnelle est un équilibre délicat, et la relation entre gastronomie et responsabilité environnementale tendue : cela peut être compliqué au quotidien, reconnaît Gérald Passedat, qui se méfie des diktats et croit avant tout au bon sens quotidien. « Quand dans la pêche du jour se glisse un poisson hors de saison, que doit-on faire? On répond au cas par cas.
En travaillant sur un maximum de variétés et de diversité, on ne peut que réduire la pression sur les espèces trop intensivement sollicitées ». Charge aux clients de comprendre et de se laisser guider… car ici, la Méditerranée est souveraine, tout varie en fonction d’elle…
LES TECHNIQUES
Tout le travail de Gérald Passedat est de trouver la préparation qui magnifiera ces poissons pour préserver la vivacité de leur goût. Ils sont donc traités sous toutes leurs facettes, crus, cuits, marinés, séchés, maturés, grâce à une palette de technique des plus ancestrales aux plus contemporaines qui permet d’explorer de nouveaux territoires, universels et ancestraux.
De la tête à l’arête sans oublier la peau, pas de gaspillage, la dégustation utilise toutes les facettes de poisson pour mieux le révéler.
PETIT ABCDAIRE DES DIVERSES APPROCHES DU CHEF…
ARETES : Celles des gros poissons, riches en collagène, sont séchées puis vieillies plusieurs mois dans le vin blanc, servant ensuite au garum maison, condiment-hommage à cette préparation héritée des romains.
CRU : Particulièrement adapté aux poissons bleus (pélamide, biard, sardine, maquereau,), ni sashimi ni carpaccio, l’épaisseur des tranches est fonction de la finesse de la chair, afin qu’elle soit à son meilleur. Loin des traditions culinaires asiatiques, il s’agit d’inventer une expérience de poisson cru à la méditerranéenne, dans toute sa subtilité.
CUISSONS : Mi-cuit sur peau, poché, vapeur, braisé, grillé, rôti… selon l’épaisseur, la taille, la découpe et l’envie, toute la palette du feu est mise à profit.
FUMET : Les chairs de poissons revenus au sautoir, comme pour la viande, ainsi qu’arêtes et autres parties déclassées du poisson servent de base à la quintessence qui deviendra ensuite sauce, réduit à texture de glace, ou de demi-glace
IKEJIME : La technique d’abattage du poisson à la japonaise n’étant pas traditionnelle en Méditerranée, Gérald Passedat ne l’utilise pas, d’autant plus que cela modifie la texture de la chair du poisson.
PEAU : Affinée au maximum, séchée puis frite, la peau des poissons (LESQUELS ?) devient croquante comme une chips, tel un graton iodé…
SECHAGE : Poutargue, pélamide… le vent du Sud se charge de concentrer leur saveur.
TETE : Comme un sot-l’y laisse, la joue des têtes de poisson, au goût et à la texture bien différentes, deviennent un point d’orgue de la dégustation.