Filmoramax a pour objectif de valoriser l’industrie du court métrage comme tremplin pour les futurs grands réalisateurs.
OCS est le partenaire officiel du festival et permet au grand vainqueur de la compétition de voir son film acheté et diffusé par la chaîne.
Durant 5 jours, Filmoramax présente des courts métrages venant du monde entier : 20 films en compétition internationale, 6 films en compétition régionale, et 15 films en hors compétition, et aura le plaisir d’accueillir son public dans les salles du Pathé Bellecour, du Comoedia et de l’UGC ciné cité Part-Dieu.
À l’issue de cette compétition, 9 prix seront décernés :
Grand Prix Filmoramax
Prix de la meilleure actrice
Prix du meilleur acteur
Prix du meilleur réalisateur / réalisatrice
Prix du meilleur scénario
Prix du jury
Prix du public
Prix du meilleur film régional
Prix du meilleur premier film décerné par l’entreprise LIP, grand partenaire du festival.
Pour cette 2ème édition, Filmoramax a le bonheur d’accueillir AirFrance, La Banque Populaire, Orange et MYM auprès de LIP, et OCS, ses partenaires officiels.
LA SÉLECTION
COMPÉTITION INTERNATIONALE
Le Censeur de Rêves de Léo BERNE & Raphaël RODRIGUEZ – FRANCE
The Criminals de Serhat KARAASLAN – TURQUIE
The cove de Caroline MAILLOUX – CANADA
The Lone Wolf de Filipe MELO – PORTUGAL
Prudence Ledoux à le vent en poupe de Laura PIANII – FRANCE
Je Joue Rodrigue de Johann DIONNET – FRANCE
Boxballet de Anton DYAKOV – RUSSIE
Palissade de Pierrick CHOPIN – FRANCE
Les Enfants de Bohème de Judith CHEMLA – FRANCE
Erratum de Giulio CALLEGARI – FRANCE
Bottle Cap de Marie HYON & Marco SPIER – ETAT-UNIS
High Sky Low Land de Maria ERIKSSON-HECHT – SUÈDE
Mauvaise troupe de Nolwenn LEMESLE – FRANCE
Lamento de Rubén SANCHEZ – ESPAGNE
Mirage de Sil VAN DER WOERD – PAYS-BAS
Le bain de Anissa DAOUD – TUNISIE
Warsha de Danai BDEIR – LIBAN
Partir un jour de Amélie BONNIN – FRANCE
Datsun de Mark ALBISTON – NOUVELLE ZÉLANDE
Horizon of Success de Théophile GIBAUD – FRANCE
La Débandade de Fanny DUSSART – FRANCE
COMPÉTITION RÉGIONALE
Warning de Axel ZEILIGER – FRANCE
Spoon de Arthur CHAYS – FRANCE
À point de Sébastien LAGOSZNIAK – FRANCE
Délivre nous du mal de Pierre-Marie Charbonnier et Simon PIERRAT – FRANCE
Delivery to hell de Michael DRAI – FRANCE
La couleur du ciel de Owen ARCHINET- FRANCE
HORS COMPÉTITION
Shahin – de Amin KAMALI – FRANCE
Harmony – de Céline GAILLEURD & Olivier BOHLER – FRANCE
Vieille Peau – Julie REMBAUVILLE & Nicolas BIANCO-LEVRIN – FRANCE
North Star – de P.J. PALMER – USA
Night Breakers – de Gabriel CAMPOY & Guillem LAFOZ – USA
Spider de Nash EDGERTON – AUSTRALIE
Bear de Nash EDGERTON – AUSTRALIE
Shark de Nash EDGERTON – AUSTRALIE
Le Rite de Niels SCHNEIDER – BELGIQUE
Ulyx de Emeric LEPRINCE et Hugo ROBLIN – FRANCE
Spinebuster de Ronan BERTRAND – FRANCE
Pin Pon de Baptiste DRAPEAU – FRANCE
Venise n’existe pas de Ana GIRARDOT – FRANCE
Bainne de Jack Reynor – IRLANDE
JURY
Filmoramax est très fier d’accueillir l’actrice et réalisatrice Ana Girardot en Présidente du Jury. Elle sera accompagnée d’Anaïde Rozam, Eden Ducourant, Anthony Marciano et Redouanne Harjane.
Ana Girardot Ana Girardot est révélée en 2010 dans le film Simon Werner a disparu… présenté à Cannes et nommé aux Césars. Elle obtiendra par la suite des rôles significatifs dans des films et séries tels que Les revenants, Cloclo, La prochaine fois je viserai le coeur, Deux moi… Récemment, le public l’a redécouverte dans Ogre de Arnaud Malherbe, La flamme et Le flambeau de Jonathan Cohen ou encore la série Totems sur Amazon Prime. Elle a également réalisé son premier court métrage en 2021 : Venise n’existe pas, qui sera présenté à Filmoramax en hors compétition.
Anaïde Rozam Anaïde Rozam fait partie de la nouvelle génération d’acteur. Elle fait sa première apparition sur le grand écran dans Les Olympiades de Jacques Audiard et a joué récemment dans Sans filtre et La cour des miracles de Carine May et Hakim Zouhani, qui a été présenté au festival de Cannes 2022, en sélection officielle. À côté de son métier d’actrice, elle réalise également des vidéos humoristiques sur son compte Instagram.
Anthony Marciano Anthony Marciano se lance dans sa carrière de réalisateur en 2013, avec la comédie régressive Les Gamins avec Max Boublil et Alain Chabat. Deux ans plus tard, il revisite avec son ami Max Boublil le célèbre mythe du voleur de Sherwood dans Robin des bois, la véritable histoire. En tant que scénariste il a récemment écrit pour les longs métrages Forte et Envole-moi.
Eden Ducourant Eden Ducourant s’est fait connaitre dans la série Pour Sarah et Une mère parfaite, sortit récemment sur TF1. et Netflix. Elle s’est aussi imposée au cinéma avec son rôle principal dans le court métrage Aurélia, son rôle dans la comédie Bis ou le film Les chatouilles. Son talent de réalisatrice se fait connaitre avec ses courts métrages Les mémoires du temps, Bite con merde, ou Je suis la clé du problème, qu’elle réalise avec son frère. Ils ont aussi réalisé ensemble le clip de la Fondation des femmes, sortit en 2021.
Redouanne Harjane Redouanne Harjane est humoriste, musicien et acteur. En 2009, il crée son premier one-manshow, Le Diable et la tempête. Une année plus tard, il assure la première partie du spectacle de Jamel Debbouze. Intégrant la troupe du Jamel Comedy Club, il y joue son second stand-up, Dans la tête de Redouanne Harjane. En 2011, Redouanne Harjane fait ses débuts au cinéma dans Les Mythos et fait aussi des apparitions dans les films L’Écume des jours, Prêt à tout, Comment c’est loin, etc. Il obtiendra son premier rôle principal dans M de Sara Forestier. Il a dernièrement joué dans Le nouveau jouet de James Huth et Le dernier Juif de Noé Débré, et a créé son spectacle Redouanne est Harjane, en 2017.
LES ÉVÉNEMENTS
Masterclass avec Adrien BRETET Thème : Du court au long métrage Mercredi 28 septembre à 14h30 // Pathé Bellecour
Adrien Bretet est producteur de cinéma et a remporté en 2020 le César du meilleur court métrage avec le film de Lauriane Escaffre et Yvonnick Muller : Pile Poil. Il a également créé sa propre société de production PICTOR avec qui il a récemment produit les films Kenavo, Les Aniamaux sauvages, et Sans Suite.
Le Café des Réalisatrices
Mercredi 28 septembre à 10h //Showroom Made.com Le Café des réalisatrices est un moment d’échange où réalisatrices, scénaristes, productrices, journalistes et futures cinéastes se réunissent pour partager leur point de vue sur la place des femmes dans le milieu du 7ème art. Le but est également de partager son expérience de réalisatrice, ses inspirations, et de donner des conseils aux étudiants qui souhaitent entreprendre une carrière dans le cinéma.
Cette année, le festival a l’honneur de recevoir en ambassadrices de l’événement :
Charlène Favier, réalisatrice du film Slalom, nommé deux fois aux Césars.
La réalisatrice et scénariste Alice Vial notamment connu en tant que scénariste du film Les Innocentes. Elle est en train de réaliser la prochaine série OCS, Septième ciel.
Les showaces sont des soirées musicales privées qui ont lieu tout au long du festival.
Filmoramax a l’honneur d’accueuillir MB14 en concert d’ouverture lors de la cérémonie d’ouverture du festival au Pathé Bellecour.
La chanteuse Joyce Jonathan proposera un concert au showroom Made.com lors d’une soirée «Mode avion» en partenariat avec AirFrance.
Filmoramax accueillera aussi le duo de musiciens de musiques électroniques French Fuse et la chanteuse franco-américaine Naïka, qui délivreront tous les deux un concert au showroom de la marque Made.com également.
QUELQUES TEMPS FORTS
MARDI 27 SEPTEMBRE 19H30 : Concert d’ouverture de MB14 20H : Cérémonie d’ouverture 21h : Projection du premier court métrage d’Olivier Nakache et Éric Toledano
Avant-première de la nouvelle série OCS «Septième ciel», une création de Clémence Azincourt, réalisée par Alice Vial – En présence de l’équipe du film // Pathé Bellecour
MERCREDI 28 SEPTEMBRE 10h-12h : Le café des réalisatrices en présence de Jessica Palud, Pauline Seigland, … // Showroom Made.com 14H30 : Masterclass de Adrien Bretet Thème : Du court au long métrage // Pathé Bellecour 21h : Showcase privé de Joyce Jonathan // Showroom de la marque Made.com
JEUDI 29 SEPTEMBRE 11H : Grande masterclass sur les genres cinématographiques en présence de Julien Séri 17h : Présentation du film Venise n’existe pas en hors compétition en présence d’Ana Girardot 21h : Showcase privé de la French Fuse // Showroom de la marque Made.com
VENDREDI 30 SEPTEMBRE 14H30 : Conférence de presse du Jury 15h : Interviews du Jury et des cinéastes en compétition 21h : Showcase privé de Naïka // Showroom de la marque Made.com
SAMEDI 1er OCTOBRE 12h : Défilé AirFrance sur les 10 derniers uniformes de la marque, dont ceux créés par les couturiers Dior, Balenciaga, Georgette Renal, etc. 19h30 : Cérémonie de clôture // Pathé Bellecour 21h : Soirée de gala // Institut Paul Bocuse
Romancier sans succès, Joseph Turner (Robert Redford) travaille comme documentaliste à l’American Literary Historical Society à Washington, paravent d’une section de la CIA. Son travail consiste à déceler, dans les romans policiers et d’espionnage, des traces de fuites ou de nouvelles idées originales à exploiter. Croyant avoir découvert un réseau clandestin au sein même de l’institution, Turner rédige un rapport. Quelque temps après, tous les membres de sa section sont assassinés. Paniqué, Turner contacte en urgence son responsable, sous son nom de code, Condor. Il est invité à se tenir à l’écart de l’enquête, mais choisit de désobéir…
Avec Les Trois Jours du Condor, Sydney Pollack se lance dans le genre ouvertement politique. Tourné après le scandale du Watergate mais avant Les Hommes du président d’Alan J. Pakula (1976), le film s’inscrit dans la vague de films américains des années 70 dont le cœur est la théorie du complot. Adapté du roman du journaliste d’investigation James Grady, Six Days of the Condor, le film a été allégé des ressorts grandiloquents du livre. Michael Henry déclarait à propos du cinéaste : « Rien ne le rebute autant que le manichéisme ou le dogmatisme. De toute évidence, il préfère les individus aux idées, les sentiments aux idéologies, les nuances du gris au contraste du noir et blanc. On reconnaît là une des vertus de cet humanisme indéfectible qui produisit les œuvres les plus généreuses des années 50. » (Positif n°178, février 1976)
Sydney Pollack impose ici une atmosphère oppressante : le ciel se couvre de nuages menaçants, les longues focales rendent imperceptible l’arrière-plan et enveloppent Turner de contours inquiétants. Le film plonge le spectateur dans un New York labyrinthique, truffé de cabines téléphoniques, d’ascenseurs et autres espaces clos, jalonnant la fuite permanente du héros et sa quête contrariée de vérité.
Au-delà d’être un excellent thriller, Les Trois Jours du Condor offre une vision inédite des dessous de la CIA, à la fois secrète, puissante, inhumaine. Le cinéaste met en scène un monde où seules dominent la suspicion et la loi du secret. Le film apparaît aujourd’hui doté d’un caractère intemporel. Dépassant la simple dénonciation d’une conspiration, il évoque la solitude de l’homme au sein d’un système qui éloigne les individus. La méfiance évolue en paranoïa, cette dernière contaminant tout ce qui entoure le fugitif. Pour Sydney Pollack : « Peu de choses expriment la vérité autant que le font les mensonges. » (Positif n°572, octobre 2008).
Les Trois Jours du Condor (Three Days of the Condor) Etats-Unis, 1975, 1h57, couleurs (Technicolor), format 2.39
Réalisation Sydney Pollack Scénario Lorenzo Semple Jr., David Rayfiel, d’après le roman Les Six Jours du Condor de James Grady Photo Owen Roizman Musique Dave Grusin Montage Don Guidice Décors George DeTitta Costumes Joseph G. Aulisi, Theoni V. Aldredge Production Stanley Schneider, Sydney Pollack, Dino De Laurentiis Company, Paramount Pictures, Wildwood Enterprises, Condor Production Company Interprètes Robert Redford (Joseph Turner / Le Condor), Faye Dunaway (Kathy Hale), Cliff Robertson (Higgins), Max von Sydow (Joubert), John Houseman (Mr. Wabash), Addison Powell (Leonard Atwood), Walter McGinn (Sam Barber), Tina Chen (Janice Chon), Michael Kane (Wicks), Don McHenry (Docteur Lappe)
Sortie aux États-Unis : 24 septembre 1975 Sortie en France : 21 novembre 1975
Restauration 4K au laboratoire Hiventy en 2019 supervisée par Studiocanal.
1914. Éconduite par son amant, Karen (Meryl Streep), jeune aristocrate danoise, décide d’épouser le frère jumeau de celui-ci, le baron Bror von Blixen (Klaus Maria Brandauer). Elle le rejoint au Kenya où leur projet d’élevage se voit transformé par Bror en plantation de caféiers. Mais délaissée par son mari, Karen tombe sous le charme de Denys Finch Hatton (Robert Redford), chasseur farouchement épris de liberté.
« I had a farm in Africa… » C’est de sa légendaire voix rauque que Meryl Streep, campant le personnage principal de La Ferme africaine de Karen Blixen, entame le long flash-back qu’est Out of Africa. Un retour sur la vie de cette Danoise devenue Africaine, fermière sur des terres arides, tandis que l’Europe sombre dans la guerre. Une aventurière flamboyante, mais malchanceuse en amour. Alors, c’est de l’Afrique qu’elle tombe amoureuse, de son métier, de la terre et des Kikuyus.
Sydney Pollack disait du roman qu’il était « une pastorale, un poème en prose ». Une matière riche d’impressions subtiles, quasiment impossibles à retranscrire à l’écran. Le cinéaste fait alors le choix d’un film au classicisme élégant, privilégiant un rythme lent et mélancolique, dont le lyrisme est aussi prégnant que les paysages arides. Une plongée de plus de 2h30 dans l’Afrique des années 20, grâce à des moyens impressionnants. Une ampleur qui lui fera dire plus tard : « Si le film n’avait pas marché, j’aurais vraiment ruiné les studios. » Il obtiendra sept Oscars en 1986.
« Élans de cœur, hymne à la beauté et à l’innocence, exotisme, métaphysique, Out of Africa brasse et embrasse toutes les composantes du matériau cinématographique, en un film qui résume tous les films. Non comme un catalogue ou un album de belles images, mais comme une fresque vibrante, généreuse et grave. Parcourue de part en part par une sorte de tristesse légère et inéluctable, qui est le sentiment même de la vie et la marque de l’art. » (Michel Boujut, L’Événement du jeudi, 27 avril 1986)
Out of Africa États-Unis, 1985, 2h41, couleurs, format 1.85
Réalisation Sydney Pollack Scénario Kurt Luedtke, d’après le roman La Ferme africaine et d’autres œuvres de Karen Blixen, ainsi que des ouvrages Karen Blixen de Judith Thurmanet Silence Will Speak d’Errol Trzebinski Photo David Watkin Musique John Barry Montage Pembroke J. Herring, Sheldon Kahn, Fredric Steinkamp, William Steinkamp Décors Herbert Westbrook, Colin Grimes, Cliff Robinson, Josie MacAvin Costumes Milena Canonero Production Sydney Pollack, Terence A. Clegg, Mirage Enterprises, Universal Pictures Interprètes Meryl Streep (Karen), Robert Redford (Denys Finch Hatton), Klaus Maria Brandauer (Bror von Blixen), Michael Kitchen (Berkeley Cole), Malick Bowens (Farah), Joseph Thiaka (Kamante), Stephen Kinyanjui (Kinanjui)
Sortie aux États-Unis : 20 décembre 1985 Sortie en France : 26 mars 1986
La cinéaste néo-zélandaise Jane Campion recevra le Prix Lumière lors de la 13e édition du festival Lumière, qui se déroulera à Lyon du samedi 9 au dimanche 17 octobre 2021. C’est un style reconnaissable parmi tous les autres, une esthétique hors du commun et une poésie fulgurante que salue le 13e Prix Lumière en honorant son cinéma
Depuis son premier court métrage, Peel – An Exercise in Discipline (1982, Palme d’Or au Festival de Cannes) jusqu’au triomphe de sa série Top of the Lake, Jane Campion explore les sphères du désir et des relations humaines en livrant une galerie de portraits parmi les plus beaux de l’histoire du cinéma, femmes de tête incarnées par Holly Hunter, Nicole Kidman, Meg Ryan, Jennifer Jason Leigh, Elisabeth Moss ou encore la débutante Anna Paquin qui reçoit l’Oscar à 11 ans pour son rôle dans La Leçon de piano
A l’aube des années 1990, Jane Campion a émergé d’une génération de nouveaux auteurs comme les Coen, Tarantino, Soderbergh, etc. En 1989, la cinéaste (auteure d’une poignée de courts métrages remarqués notamment par Pierre Rissient) débarque avec son premier long Sweetie. Voix off évocatrice, composition photographique des plans, fissure de la normalité jusqu’au malaise… Le style Campion secoue la planète cinéma. C’est avec cette tension provocatrice qu’elle adapte, l’année suivante, le roman de Janet Frame Un ange à ma table, où elle dirige trois actrices pour trois âges de la vie d’une même femme, enfermée dans un asile et qui s’évade par l’écriture
Le film suivant, La Leçon de piano, produit avec Pierre Rissient pour la société française Ciby 2000 (qui, dans les années 1990, accueillit Bernardo Bertolucci, David Lynch, Pedro Almodóvar, Emir Kusturica ou Mike Leigh), impose Jane Campion comme une cinéaste majeure. Un projet de longue haleine initié à la fin de ses études mais que son ampleur et son coût repoussaient sans cesse. En 1993, le film, dont la force et le lyrisme sont à rapprocher de l’oeuvre d’Emily Brontë et de la poésie d’Emily Dickinson, remporte la Palme d’Or au Festival de Cannes. Plongés dans la jungle luxuriante de la Nouvelle Zélande, en pays Maori, les acteurs Holly Hunter, Harvey Keitel, Sam Neill et Anna Paquin font merveille dans l’un des films les plus troublants sur le désir.
Jane Campion est au sommet et ne le quittera plus jamais. Que ça soit Portrait de femme (1996), adapté d’Henry James et porté par Nicole Kidman et John Malkovich, le road trip « New Age » Holy Smoke, qui révèle toute lasubtilité du jeu de Kate Winslet, le thriller virtuose In the Cut, remarquable incursion dans le film de genre avec Meg Ryan, Jennifer Jason Leigh et Mark Ruffalo, ou Bright Star, évocation en forme de chef-d’oeuvre de la vie du poète John Keats, chacun de ses films est un événement. D’autant plus fort que Jane Campion est rare. Sept longs métrages en 20 ans qui composent une filmographie unique et un cinéma à la fois personnel et universel.
En 2014, elle surprend avec la série Top of the Lake, dont les deux saisons la placent au coeur de cet art nouveau. Elle fait partie des cinéastes qui se livrent à l’exercice comme une continuation de leur travail et comme la possibilité de porter leurs voix vers un public différent.
À l’automne prochain, Jane Campion dévoilera son nouveau film, The Power of the Dog, qu’elle a développé pour Netflix. Adapté d’un livre de Thomas Savage, elle y dirige Benedict Cumberbatch et Kirsten Dunst.
Jane Campion fut la première femme à remporter la Palme d’Or et la première réalisatrice Présidente du Jury à Cannes en 2014. Elle sera la première réalisatrice à le recevoir le Prix Lumière, le «Nobel du cinéma» de la rue du Premier-Film. La célébrer est une évidence et une fierté. Ce fut aussi l’une des dernières volontés de Bertrand Tavernier. Elle succédera à Jean-Pierre et Luc Dardenne, Francis Ford Coppola, Jane Fonda, Wong Kar-wai, Catherine Deneuve, Martin Scorsese, Pedro Almodóvar, Quentin Tarantino, Ken Loach, Gérard Depardieu, Milos Forman et Clint Eastwood. La remise du Prix Lumière aura lieu à Lyon le vendredi 15 octobre 2021.
ELZEVIR FILMS, BIG MOTHER PRODUCTIONS ET ALL YOU NEED IS PROD PRÉSENTENT
PRODUIT PAR DENIS CAROT, FLORE VASSEUR ET MARION COTILLARD
FESTIVAL DE CANNES, SÉLECTION OFFICIELLE 2021
96 MIN – FRANCE – DCP – 5.1 – 2020
SORTIE LE 22 SEPTEMBRE 2021
DISTRIBUTION Jour2Fête Sarah Chazelle & Etienne Ollagnier 9, rue Ambroise Thomas – 75009 Paris Tél. : 01 40 22 92 15 – contact@jour2fete.com
SYNOPSIS
Depuis 6 ans, Melati, 18 ans combat la pollution plastique qui ravage son pays l’Indonésie. Comme elle, une génération se lève pour réparer le monde. Partout, adolescents et jeunes adultes luttent pour les droits humains, le climat, la liberté d’expression, la justice sociale, l’accès à l’éducation ou l’alimentation. La dignité.
Seuls contre tous, parfois au péril de leur vie et sécurité, ils protègent, dénoncent, soignent les autres. La Terre. Et ils changent tout.
Melati part à leur rencontre à travers le globe. Elle veut comprendre comment tenir et poursuivre son action. Des favelas de Rio aux villages reculés du Malawi, des embarcations de fortune au large de l’île de Lesbos aux cérémonies amérindiennes dans les montagnes du Colorado, Rene, Mary, Xiu, Memory, Mohamad et Winnie nous révèlent un monde magnifique, celui du courage et de la joie, de l’engagement pour plus grand que soi. Alors que tout semble ou s’est effondré, cette jeunesse nous montre comment vivre.
Et ce qu’être au monde, aujourd’hui, signifie.
LE FILM
Aller à la rencontre de jeunes gens qui se lèvent pour « réparer le monde » : des garçons et filles d’à peine vingt ans – hier encore des enfants – mais qui, comme saisis par un sentiment d’urgence et d’injustice, se lancent dans des combats plus grands qu’eux ! Tel est le propos du premier long métrage de cinéma documentaire de l’écrivain Flore Vasseur.
BIGGER THAN US est un film sur la jeunesse. Sur sa lucidité, son refus de voir notre monde sombrer. C’est aussi un film sur la fragilité et la beauté de la vie sur cette planète, notre bien commun, où la joie et l’art de faire ensemble, de lutter ensemble, peuvent encore l’emporter.
C’est un film sur la liberté, malgré tout, et ce choix d’agir dont chacune, chacun, peut encore s’emparer. BIGGER THAN US, c’est aussi la photographie sensible de cette jeunesse en mouvement, et de ses combats autour de thématiques telles que la justice sociale, l’urgence climatique, les droits des femmes ou encore l’accès à l’alimentation et l’éducation.
C’est un voyage aux allures d’odyssée, en sept épopées filmées – Liban, Malawi, Grèce, EtatsUnis, Brésil, Ouganda, Indonésie. Dans chacun de ces pays, chacune de ces réalités sociales et culturelles, Melati Wijsen, – activiste de dix-huit ans à l’origine de l’interdiction des sacs plastiques sur son île de Bali, dont Flore Vasseur avait raconté l’histoire dans un précédent documentaire pour ARTE, – part à la rencontre de jeunes combattantes et combattants du quotidien dont l’engagement ne peut que nous galvaniser.
S’écrivent alors de très touchants dialogues de pair à pair, sur les engagements de leur génération, son courage, son envie de vivre.
Ces « personnages » qui racontent leur combat et quotidien sont :
MELATI WIJSEN 18 ans (20 ans aujourd’hui) | Indonésie Lutte, depuis l’âge de 12 ans, avec sa sœur Isabel, alors 10 ans, contre la pollution plastique avec leur initiative Bye Bye Plastic Bags. Ensemble, elles ont mobilisé des milliers d’enfants et de touristes et obtenu par décret l’interdiction de la vente et de la distribution de sacs, d’emballages et de pailles en plastique sur leur île. Melati croit au pouvoir de sa génération et développe aujourd’hui Youthtopia
MEMORY BANDA 22 ans (24 ans aujourd’hui) | Malawi A osé défier la tradition du viol institutionnalisé des jeunes filles dans des camps d’initiation dédiés. A fait cesser cette pratique dans tout le pays, puis a fait modifier la constitution du Malawi pour relever l’âge légal de 15 à 18 ans afin de protéger les filles du mariage forcé. Memory se consacre aujourd’hui à l’émancipation des filles par la sécurisation de leurs droits et leur maintien à l’école. Au Malawi, 42% des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans. Pour le monde, c’est 1 fille sur 5 (Unicef)
MARY FINN 22 ans (24 ans aujourd’hui) | Grèce S’est engagée, dès ses 18 ans, dans des opérations de sauvetage en mer de migrants au large de la Grèce, la Turquie ou Libye, ou à leur accueil dans les camps de Grèce. Elle témoigne de la situation des réfugiés en Europe et de ses conséquences sur la politique européenne. Aujourd’hui, Mary se forme aussi au métier de sage-femme afin que son travail d’aide humanitaire d’urgence soit encore plus pertinent et bénéfique. On compte 80 millions de réfugiés aujourd’hui, dont 16% seulement dans les pays occidentaux. Ils seront 200 millions en 2050 (source HCR)
MOHAMAD AL JOUNDE 18 ans (20 ans aujourd’hui) | Liban A construit, à l’âge de 12 ans une école dans un camp de El Marj, à la frontière Libano-syrienne. Parce qu’ayant fui la guerre en Syrie avec sa famille, il avait tout perdu. A commencer par l’école. Aujourd’hui, 200 enfants réfugiés syriens se rendent chaque jour dans l’établissement créé par Mohamad. L’école n’est pas seulement un lieu d’apprentissage. Mais un espace de sécurité. Mohamad croit à l’incroyable force des réfugiés et notamment des enfants et au pouvoir de transformation de leur récit. Au Liban, 1 personne sur 4 est réfugiée. 54% de ces réfugiés sont des enfants (HCR)
RENE SILVA 25 ans (27 ans aujourd’hui) | Brésil A créé, à l’âge de 11 ans, le premier média permettant de partager des informations et des histoires sur sa favela écrite par et pour la communauté, « Voz das Comunidades ». Lui et son équipe de 16 journalistes racontent de l’intérieur leur quotidien de pauvreté, d’inégalités, de racisme et aussi et surtout de résilience. Face à un Etat de plus en plus dictatorial et aux inégalités sociales explosives, René croit au journalisme de proximité et de résistance ainsi qu’au pouvoir des communautés. 397 activistes et journalistes ont été tués dans le monde en 2020, dont 264 en Amérique Latine (ISF et IFG)
XIUHTEZCATL MARTINEZ 19 ans (21 ans aujourd’hui) | Etats-Unis A attaqué l’Etat du Colorado puis l’Etat américain en justice pour non protection des générations futures. A imposé un moratorium sur l’exploitation du gaz de schiste au Colorado. A fait interdire le recours aux pesticides dans les parcs pour enfants. Aujourd’hui, il utilise son art, la musique et le rap pour porter son combat, la justice environnementale, et défendre son héritage : la sagesse des peuples premiers.
WINNIE TUSHABE 25 ans (27 ans aujourd’hui) | Ouganda A lancé YICE, une initiative visant à transmettre aux plus démunis, les réfugiés en Ouganda, les bases de la permaculture afin qu’ils puissent survivre sur des sols détruits par les pesticides. La sécurité alimentaire et le développement du troc et du petit commerce leur permettent de sécuriser l’accès de leurs enfants à l’école. Winnie s’occupe de près de 900 familles et a créé plus de 50 emplois pour les jeunes et les femmes. Pour Winnie, les femmes et notamment les agricultrices sauveront l’Afrique. 84% des sols du continent sont détruits ou très endommagés par les pesticides (FAO).
ENTRETIEN AVEC FLORENCE VASSEUR, RÉALISATRICE
Dans quel cadre avez-vous fait la connaissance de Marion Cotillard, co-productrice du film ?
On sait tous que Marion est très engagée, on voit moins ce que cela implique et ce que cela peut déclencher. Nous nous sommes rencontrées lors d’un week-end qui réunissait des entrepreneurs sociaux, des militants, des réalisateurs autour de l’activiste indien Satish Kumar. Marion était venue avec son bébé, dont elle s’occupait entre les sessions de travail.
Je me suis surprise à la regarder faire, plusieurs fois, émue par les gestes et l’amour qu’elle lui portait. Je me suis reconnue dans sa façon de lui parler, de la rhabiller, de l’endormir. Dans sa façon d’être maman. Et BIGGER THAN US, je pense, est aussi un projet de maman. Je suis allée la voir avec la crainte de la déranger, j’ai failli ne pas le faire.
Marion est sur-sollicitée par des personnes qui pensent tenir le Graal. Mais quelque chose a sonné juste et elle a voulu en savoir plus sur mon projet de film. On s’est revues le lendemain dans Paris, et puis on ne s’est plus quittées. De film de mamans, c’est devenu un film de soeurs. Marion a été de toutes les étapes, de tous les coups durs.
Concrètement, qu’a t-elle apporté ?
Le plus important : la foi. Combien de fois m’a-t-elle remise en selle, alors que j’étais fatiguée ou découragée, prête à une concession, une facilité. Marion a une présence hors norme.
Quand elle est avec toi, tu peux soulever des montagnes.
Comme productrice, elle a aussi amené une personne clé du projet, Christophe Offenstein, le directeur de la photographie. Hyper expérimenté, hyper calme et un coeur en or, qui s’est mis totalement au service du projet, de son propos. Il m’a aussi mis une caméra dans les mains, m’a dit de faire mes images pour que le film soit au plus près de ce que j’avais en tête. Et de fait, on s’en est beaucoup servi. C’est comme cela que je suis vraiment rentrée dans le film…
Marion est aussi de toutes les réunions. Bien sûr, elle nous a aidé à ouvrir les bonnes portes. Et elle n’a rien laissé passer au montage. Aucune facilité une plateforme d’éducation et de partage d’outils pour des jeunes souhaitant s’engager.
Vous parlez d’un « film de sœurs », dont la cadette est donc Melati Wijsen. A quand remonte votre rencontre ?
En 2016. Tout cela est lié à un moment très spécial qui a eu lieu dans ma vie de maman, et c’est ce moment qui a tout déclenché. À l’époque, mon fils a sept ans, et un midi, pendant le repas, il me regarde et dit : « Ça veut dire quoi, la planète va mourir ? » Ma fille, qui a trois ans de plus, me regarde avec ses grands yeux : « Qu’est-ce qu’il se passe, là ?… »
Moi, je me dis qu’il y a deux options : soit je réponds « Mais non mon chaton, ça n’arrivera jamais, mange ton steak haché », soit je sors les rames. Alors je me lance : « Ecoute, ce que ça veut dire, c’est qu’on est dans un moment où, peut-être, une extinction de masse s’est déclenchée, mais il y en a déjà eu cinq ou six, et la vie a toujours fini par repartir… »
Je me vois lui expliquer ça de façon tellement maladroite ! Je vois deux paires d’yeux qui me regardent, j’ai leur attention comme jamais. Mon fils m’interrompt : « OK, mais moi, je fais comment pour pas mourir ? » Je réfléchis à toute vitesse et il va plus vite que moi : « Bon, si j’ai bien compris, maman, comme tu as dit que c’est à cause de la pollution et du reste, je vais m’enfermer dans la maison. Comme ça, je ne vais pas mourir ». Je lui dis : « Tu vois, tu ne peux pas rester enfermé dans une maison parce qu’il y a les meubles sur lesquels il y a… »
Je me gamelle totalement. Il réfléchit, et heureusement il réfléchit mieux que moi : « Bon, je vais aller en haut de la montagne, là où la pollution ne monte pas, comme ça je pourrai vivre ». « Oui, mais bon qu’est-ce que tu vas faire en haut de ta montagne ? C’est un peu triste, non ? » Il me répond : « Oui, tu as raison. Bon alors, je pourrais être président de la République, et j’arrête toutes les usines ! » Comme il déteste l’école, j’en rajoute une couche : « Oui mais pour être président, il faut travailler l’histoire, le français, savoir très bien écrire… »
« Alors sinon je pourrai être cosmonaute, comme ça, toi, papa et puis ma sœur, on pourra partir sur une autre planète ! » Je dis : « Ouais, t’as raison, mais là, là il faut bosser les maths, hein ! » Un peu rassuré, il me dit alors : « Et toi, tu fais quoi ? Tu fais quoi pour que la planète ne meurt pas, maman ? » Je lui réponds que j’écris des livres, des films sur la corruption, le dessous des cartes tout ça, mais rien à faire : « non, mais maman, sérieusement, tu fais quoi ? » « Ben tu vois, on prend le train, on n’a pas de voiture, on mange bio… » Troisième fois : « Maman, tu fais quoi ? » … « Ben écoute, probablement pas assez… »
Comment passe-t-on d’une conversation, à table, entre une mère et son fils, à un projet de cinéma documentaire aussi ambitieux ?
Mon fils savait que je n’avais pas d’idée précise pour mon prochain film, alors il ne m’a plus lâché avec ça : « Mais maman, tu n’as jamais fait de film sur la pollution ! C’est ça, ce que tu devrais faire non ? »
Et puis l’après-midi même, jolie synchronicité, je regarde enfin le TED Talk de Melati et Isabel Wijsen envoyé par Bruno Giussani, l’un de mes meilleurs amis qui sait que je cherche un sujet. Elles y expliquent leur combat contre le plastique qui pollue et condamne leur île, Bali. Je regarde leur conférence mais passe totalement à côté, presque agacée contre mon ami…
Mon fils rentre de l’école et me lance : « Alors maman, tu as trouvé une solution pour ton film ? » Et là, ça percute. Je retourne voir la vidéo de Melati et Isabel, si jeunes, si vaillantes, et là, je fonds en larmes, car tout est là, sous mes yeux : mon sujet, son sujet. J’appelle Arte, et 3 semaines après, on était partis en Indonésie… Cette thématique et ce choix de travailler avec Melati, je les dois donc à mon fils, qui m’a mise sur le chemin…
Puis à Melati et à sa soeur, que je trouve ahurissantes. A ce moment-là, je croise le génie de l’enfance. Nous, adultes, passons le plus souvent à côté. J’adore cette phrase, qui m’a beaucoup guidée, de ce pédiatre polonais Janus Korczak : « Pour se placer à hauteur d’enfant, il faut se hisser sur la pointe des pieds ».
Dans quel état d’esprit avez-vous abordé le premier voyage effectué pour le film ?
Le tout premier tournage, c’était au Liban, en avril 2019. On est partis un peu la fleur au fusil, sans vraiment savoir ce qu’on allait faire. C’est toujours comme ça dans un documentaire : il y a un tournage qui sert de pilote, ou plus exactement de crash test. Et c’était parfait comme crash test, parce que ce pays lui-même est en crash, totalement par terre – plus encore maintenant que quand nous y avons tourné, mais c’était sous-jacent.
Et puis c’est inhérent à cette population et aux gens avec lesquels on a travaillé, qui sont à la fois d’une gaieté et d’une générosité incroyables, mais aussi d’une fébrilité palpable, liée au fait de vivre sur une poudrière… On est arrivés un peu comme des amateurs. Avec l’équipe technique, on ne se connaissait absolument pas. On a passé beaucoup de temps à se flairer, les uns et les autres. Il y a des questions de légitimité des uns et des autres, y compris la mienne ; et moi, je ne savais vraiment pas comment j’allais prendre le tournage.
J’avais des intuitions, et puis surtout je voulais m’appuyer sur Melati autant que possible, mais quelle envie profonde avait-elle de ce film ? Quelle implication avait-elle envie d’y mettre ? Quelle passion ou quel appétit avait-elle pour « l’autre » ?
Melati Wijsen est le personnage central du film : à l’image, c’est elle qui va à la rencontre des acteurs du changement, en Ouganda, au Brésil, au Malawi… Y avait-il le risque d’en faire une héroïne de cinéma ?
Melati, je l’adore, je la trouve remarquable, je suis très impressionnée par son engagement, sa force. Mais il y a quelque chose qui ne m’allait pas pour ce film, et pour l’histoire que je voulais saisir et laisser vivre : c’est le côté ultra-performant qu’elle peut avoir. En Asie, elle est vraiment la Greta Thunberg locale : elle est très habituée aux tournages, très habituée à délivrer le même message, avec pas mal d’automatisme, beaucoup d’aisance face à la caméra.
C’est très impressionnant mais tout à fait contre-productif. Nous, on voulait chercher quelque chose qui est sous la surface – et Melati a une surface parfaite. Nous voulions quelque chose de bien plus fort. De non négociable. Mais voilà, à force d’entraînement et de reportages pour CNN, Melati était en train de perdre son âme d’enfant. Or c’est précisément ce que nous cherchions, c’est cette part de nous qui est à réveiller aujourd’hui, universelle et a-générationnelle.
Pour cela il fallait la faire sortir de sa zone de confort. Ça n’était pas simple car ça me mettait, moi, dans un questionnement du type : « Mais qui suis-je pour lui dire ce qu’il faut qu’elle fasse ou pas ? Qui suis-je pour lui dire qu’elle a la bonne ou la mauvaise attitude ? » Cette espèce de toute-puissance du réalisateur ou de la réalisatrice, c’est vraiment quelque chose dont je me méfie.
On a la caméra, on a les questions, on surprend les personnes qu’on interviewe : il y a un côté complètement totalitaire. Et en même temps, c’est un pur-sang, Melati, c’est un étalon : si vous lui mettez une muselière, elle s’en va. Or j’avais besoin d’elle : et je n’avais pas envie de me priver de cette interaction de « jeune à jeune » qui est la mécanique du film. Je ne voulais pas d’un film où l’adulte se penche dans un geste quasi condescendant. Je ne voulais pas en faire des personnages de théâtre ou de cirque. Je voulais les écouter.
Les voir s’entendre et s’organiser. Se surprendre et s’ouvrir. Et leur donner toute la place à un moment où seuls les mêmes experts, issus du même moule et rabâchant les mêmes idées depuis des décennies, ont droit de cité. Les solutions, le génie sont partout. Pour peu qu’on y paie attention. Considération.
À l’arrivée, en visionnant le film, on la découvre très juste, très humaine, et on ressent une grande harmonie entre vous, l’une devant la caméra, l’autre derrière.
Ça, c’est la grâce du tournage, et notamment de ce premier tournage au Liban. Melati n’était jamais allée dans un pays en guerre, elle avait 18 ans, et la voilà projetée à des milliers de kilomètres de chez elle à Bali où tout le monde semble parfaitement apaisé et occupé à la beauté du monde et à la sienne. Or, Beyrouth, c’est une poudrière. J’étais très émue de la voir arriver à l’aéroport, avec son petit sac, ça c’était un engagement dingue. Melati est une grande aventurière en fait – elle a grandi sur un bateau, cela doit aider.
Mais quand même, ce pays nous explose à la figure. C’est le bazar, le chaos, il y a des policiers partout pour des contrôles. Melati hallucine, scotchée à la vitre du camion qui nous transporte. Mais de l’extérieur, elle assure, professionnelle, disponible, en mode « Je suis prête. Voyons ce qui se passe.
J’ai changé la loi dans mon pays, je connais tout sur tout sur le plastique, je suis activiste depuis 6 ans, je n’ai peur de rien ». Et puis on a rendez-vous avec Mohamad, et il y a un énorme incident tout de suite. Notre personnage, qui a trouvé asile en Suède, doit nous rejoindre pour démarrer le tournage, et en fait à l’aéroport en Suède, il se voit refuser l’accès à l’avion car il est interdit de territoire au Liban. Pour notre tournage, c’est une énorme tuile.
Nous apprenons à Melati que Mohamad ne vient pas. Qu’elle sera seule pour ce tournage dans ce pays qu’elle ne connait pas. Que Mohamad n’est pas libre de ses déplacements parce qu’il n’a pas le bon passeport. C’est un cœur d’ange cette jeune fille, et bien sûr elle explose en larmes, et bien sûr elle se prend dans la figure toute la violence et toute l’horreur, toute l’injustice, toutes les difficultés et l’absurde du statut de réfugié.
Finalement, Dorothée Martin, qui m’a secondée pour les tournages, réussit l’exploit de faire monter Mohamad dans un avion. Lui prend un risque fou pour venir nous raconter son histoire, qui est énorme : Mohamad est un jeune type qui a fui la guerre en Syrie, atterri à la frontière libano-syrienne, s’ennuie à mourir, et pour ne pas sombrer, construit, à l’âge de douze ans, une école pour les enfants des camps, comme lui. Aujourd’hui, 200 enfants s’y rendent chaque jour. Mohamad s’occupe de l’école à distance, de Suède, loin de sa maman, de sa sœur, parce que tout le monde a trouvé refuge dans des endroits différents sur la planète. Et il nous raconte ça sans aucun pathos, avec un aplomb et une fierté incroyables.
Et en même temps, dès qu’il arrête de parler, vous voyez la mort sur son visage. Melati a ressenti ça aussi… En fait, Mohamad a placé la barre tellement haut que Melati a tout de suite compris qu’elle gagnerait beaucoup à tomber l’armure et à se laisser surprendre. Que le film était une aventure bien sûr pour nous, mais aussi pour elle. Il fallait laisser l’ego, tout ce que l’on savait, ou pensait savoir, à la porte
La plupart de vos livres et de vos films ont eu pour sujet des personnages qui se battent contre plus fort qu’eux. C’est conscient, chez vous ? C’est un désir profond d’aller à la rencontre de personnes courageuses, oui. Je les cherche, en fait. Les personnes qui doutent, dénoncent et surtout font, me rassurent et m’aident à vivre. C’est pour cela que mon travail consiste essentiellement à partager leurs combats et histoires.
J’espère intimement que les gens seront touchés à leur tour et que les choses changeront. Mais jusque là, je me suis toujours heurtée à une forme d’indifférence, de so what. En filmant Edward Snowden à Moscou, au-delà du cadeau de ses mots et du miracle de cette rencontre, j’avais l’impression d’aller au bout de ce que je pouvais faire, comme l’histoire ultime. Et cela n’a strictement rien changé. Les gens, les adultes auxquels ce documentaire pour Arte était destiné m’ont dit : « Bien sûr, c’est un géant, mais qu’est-ce que tu veux que je fasse moi, je ne suis pas Snowden, moi ? »
Alors j’ai repensé à mon émotion en découvrant Melati et sa soeur Isabel, toute cette lucidité et sagesse encapsulées dans le corps de deux toutes jeunes filles ; j’ai pensé aux questions de mon fils, qui me hantaient : qu’est-ce que je dois faire pour ne pas mourir moi ? J’ai compris que précisément, la part d’enfance était ce qu’il y avait de plus magique en nous. Cette part qu’ont tous les activistes et lanceurs d’alerte de tous âges, d’ailleurs.
Ce sens de la justice qui te meut, te fait sortir de tes gonds et descendre dans la rue. Alors, on n’est pas tous Edward Snowden, mais on a tous été des enfants.
Et puis, j’avais l’intuition qu’il y avait dans la génération qui arrive quelque chose en plus qui est lié à une forme d’urgence absolue. Dès ce premier tournage, je savais que ça serait ça. Il y avait le côté ligne de crête, le côté ligne de front. Avec sur cette ligne, la meilleure part de nous-même : celle qui ne renonce pas. C’est une question de rapport au monde et à nouveau à la justice, à cette part de nous qui n’abdique pas devant le confort et le regard des autres. Mohamad, quand on l’a filmé, n’avait « que » 18 ans.
Idem pour la plupart des personnages du film. En fait, je me suis retrouvée face à des très grandes personnes. Il y a quelque chose dans leur regard à tous qui est d’une grande gravité, mais aussi d’une profonde sagesse.
Un mois après le Liban, vous partiez au Malawi, puis dans la foulée aux États-Unis, en Grèce, au Brésil, en Ouganda… Nous ne pouvons pas rentrer dans le détail de tous ces tournages, mais pouvez-vous nous parler de moments particulièrement marquants ?
L’une de mes principales fiertés, c’est que les deux voyages au Malawi puis plus tard en Ouganda nous ont permis de mettre dans la lumière deux femmes africaines absolument incroyables. Et le film montre bien, je crois, que ce sont les femmes qui sauveront ce continent…
Memory, que nous avons rencontrée au Malawi, a 22 ans aujourd’hui. Elle nous a raconté une histoire, la sienne : avoir refusé, à l’âge de la puberté, de souscrire à un rite de passage commun à la plupart des filles du Malawi, un séjour forcé dans un camp d’initiation dans lequel les filles se rendent, poussées par la communauté, le village et les mamans. Comme c’est leurs premières règles, on les prépare pour… la suite : à savoir ce qu’il faut faire quand elles sont femme et mère.
En guise d’apprentissage, le dernier soir, un homme payé par la communauté viole toutes les filles du camp d’initiation. Dévastées, parfois enceintes dès l’âge de onze ans, les filles abandonnent l’école, transmettent sans questionner ce même rite.
On est dans l’horreur de ce que peut être une tradition, la façon dont elle condamne une personne mais aussi tout un peuple : privées d’éducation, les femmes – soit a minima, la moitié de la population, n’ont aucune chance de sortir de la pauvreté. La tradition crée ce que les économistes appellent une trappe à pauvreté. Un endroit dont par essence, réduite à la soumission la plus extrême, vous ne sortirez jamais. Or, Memory a refusé d’aller dans ce camp et a osé défier la tradition. Cela l’a mise sur un chemin extraordinaire et monstrueusement difficile.
C’est une histoire d’engagement presque parfaite : vous vous engagez car vous êtes touchée dans votre chair : comme Memory, vous résistez pour vous-même, vous sauvez votre peau, et ensuite, celles des autres, qui se liguent à vous. Ça fait boule de neige, vous êtes repérée par des adultes ou des associations, qui militent pour la même chose, mais parce que vous arrivez avec une énergie particulière ou une histoire supplémentaire à raconter, parce que vous incarnez ce combat, ça donne une force incroyable à d’autres.
Et vous vous retrouvez à changer la constitution – ce que Memory a fait, à faire bouger tout un pays. Ce qu’elle raconte, c’est une énorme histoire de sororité. Et une vérité : on n’agit jamais seule. Ici, c’est un combat de femmes, aidées par d’autres femmes, qui à un moment, convainquent des hommes qu’il faut changer les choses.
« Je parle à 10 filles, et sur ces 10 filles, il y en a 8 qui vont en parler à 10 filles de plus… », et c’est une espèce de chaîne de transformation qui passe à chaque fois par une personne. Pour Melati, la puissance de ce mouvement porté par des femmes a été un énorme choc
Comment avez-vous appréhendé les retards et attentes liés à la pandémie mondiale ?
Ironie du sort : cette pandémie est une manifestation des multiples dysfonctionnements qui sont au cœur du film. D’une certaine manière, nous nous sommes retrouvés face à un épisode de plus à vivre, un épisode intime qui finira par transformer le film. Cette question du temps, devenue si centrale et tangible, nous a révélé dans notre position d’équilibriste et nous a forcé à l’humilité.
Le déclenchement de tout, c’est Melati qui me dit au printemps 2016, alors qu’elle a tout juste 16 ans et que je la filme pour Arte : « On n’a plus le temps pour changer, pour convaincre, pour réparer, pour survivre, etc. » Alors un an plus tard, quand je lui présente le concept de BIGGER THAN US et lui dis que j’aimerais le tourner avec elle, elle me met une pression très forte pour que ça aille vite. Je comprends son empressement, mais il m’agace aussi. Mais je me cale sur son rythme. Je me dis : « Il doit y avoir quelque chose, cette urgence a du bon ».
Et effectivement, on démarre vite. On prépare, on développe, on trouve les financements, on lance l’enquête. C’est ce qui prend le plus de temps. Puis on tourne dans dix pays en sept mois, avec l’impression d’être embarqués dans une folle aventure. On se cale un calendrier d’enfer : pour chaque tournage, on ne passe que dix jours sur place, puis à peine rentrés, on raconte ce qu’on a vécu à un public qui vient assister à des restitutions gratuites.
On sent qu’il faut tout de suite réinjecter la matière, qu’on n’a pas le temps d’attendre la fin du tournage pour commencer à partager ce qu’on a vu. C’est chouette, et même vital. L’équipe comme moi apprenons beaucoup de ces restitutions publiques, qui, au montage, vont beaucoup nous aider.
Et là, donc, énorme coup de frein… Oui, quelque chose de « plus grand que nous »… Plus grand que le film et que notre désir d’aller vite. Pour Melati, pour moi, pour les producteurs, il va falloir gérer cette attente. Au début, ça n’est pas du tout une catastrophe. On a tourné très vite, mais on a surtout beaucoup tourné. Moi, c’est mon premier film de cinéma, et je ne vais pas lui rendre justice en donnant des instructions de montage à distance à une équipe que je vais voir entre deux trains et deux sandwichs, ça n’est pas possible.
Moi qui ai toujours voyagé, qui passe mon temps entre deux maisons, deux villes, Lyon et Paris, je ne peux plus bouger. Il se passe quelque chose en moi – j’ai un peu honte de le dire – qui est de l’ordre d’une très grande chance. En premier lieu pour ma vie personnelle : il faut enfin que je m’arrête, que je considère mieux les personnes qui sont autour de moi, et ce film, il faut lui aussi que je le considère.
Donc ce que nous dit cette crise sanitaire, c’est que si on veut aller trop vite, passer en force, en rigidité, on se casse la figure. Personne ne peut battre le temps. Il faut faire avec. S’incliner
Dans le film, on sent que le travail et l’engagement total de Mary, sur l’île de Lesbos, en Grèce, vous ont également bouleversées l’une et l’autre. Mary, c’est une jeune Britannique de 22 ans qui s’occupe de secours en mer de migrants, au large de Lesbos. Elle est emblématique de cette jeunesse européenne qui, par idéal, a décidé de sauver des vies plutôt que de prendre un café et manger du poulpe en terrasse, en faisant semblant d’ignorer ce qui se passe dans la crique à quelques centaines de mètres de là. Or c’est ça Lesbos aujourd’hui. Son organisation accueille pléthore de jeunes chaque année. Et souvent, la grande question pour ces jeunes, c’est : « Comment je retourne dans la vraie vie après avoir vécu ce que j’ai vécu ici ? »
Voilà l’un des aspects passionnants révélés au tournage, cette sorte de décalage troublant entre une jeunesse occidentale qu’on pourrait qualifier de « désactivée », versus cette jeunesse-là, totalement dans la vie, totalement engagée. Et d’ailleurs, Mohamad, au Liban, nous en a parlé avec des mots très forts, de même que Xiuhtezcatl, ce garçon de 18 ans que nous sommes allés rencontrer au Colorado.
Je crois que l’enjeu aujourd’hui de la jeunesse, c’est d’avoir envie de vivre, de s’accomplir, de partager les valeurs et les rêves d’un groupe. Sa tribu. Et vivre, ce n’est pas une vie sous perfusion, comme on a trop souvent en Europe, une vie sous perf’ des écrans, des stimuli extérieurs, des baskets à acheter, cette espèce d’éblouissement qu’on a construit autour des ados, comme des compensations, comme des doudous… Je pense qu’il y a autre chose à leur raconter, et c’est pour ça que j’ai fait ce film.
Mon rêve le plus fou, c’est que ce film donne envie, à mes enfants, aux copains de mes enfants – et au-delà par cercles concentriques, à un maximum d’enfants ; mais pas que -, de devenir comme Mohamad, comme Memory, comme Melati, comme René, comme Winnie ou Xiuhtezcatl : ancrés dans, avec, pour la vie.
De faire partie de cette génération qui se lève pour réparer le monde non pas par peur ni par culpabilité, mais parce qu’ils y trouvent la joie et la liberté. Et je ne m’attendais pas à cela. Il y a cette phrase du Baghavad Gita : « Je m’accomplis parce que j’accomplis ». Chacun des membres de l’équipe du film a été transformé par cela. Melati aussi. Nous sommes allés parfois au bout du monde, dans des endroits dévastés par les guerres, la faim, la peur, la haine.
Et ce que nous avons trouvé, ce sont des personnes ultra vivantes qui, sans nous donner la moindre leçon, nous ont dit comment vivre. Ces personnages du film sont en avance sur nous. J’ai enfin beaucoup de réponses à la question de mon fils.
Propos recueillis par Emmanuel Tellier
ENTRETIEN AVEC MELATI WIJSEN, ACTIVISTE
Quelle image de Flore Vasseur vous vient immédiatement à l’esprit lorsque vous pensez à elle et votre relation ?
En rencontrant Flore pour la première fois, j’ai eu le sentiment de parler à une personne que je connaissais déjà : l’entente a été immédiate, tout m’a paru simple, évident. En avril 2016, Flore avait fait le voyage jusqu’à Bali pour réaliser un documentaire consacré au combat pour l’interdiction des sacs plastique que je menais avec ma sœur, et à cette époque, des équipes de tournage, nous en rencontrions quasiment toutes les semaines. Mais ce tournage-là avait une saveur particulière : pour Flore, il ne s’agissait clairement pas d’un travail comme un autre.
C’était beaucoup plus, et de manière générale, tout ce qu’elle entreprend est « beaucoup plus ». Il y a quelque chose de l’ordre du combat dans sa façon d’avancer. Je devais avoir 15 ans lors de cette première rencontre qui m’a énormément marquée.
En quoi et comment ce sentiment de « proximité » immédiate entre vous deux a-t-il été déterminant pour la suite de l’aventure ?
Dès cette première fois à Bali, je me suis aperçue que Flore et moi continuions à discuter bien après le tournage, hors caméra, alors même que nous venions de passer deux heures devant la caméra. Dans la rue, au café, nous n’arrêtions jamais, nous avions tant de sujets sur lesquels échanger. C’est cette avalanche de paroles croisées qui m’a laissé penser que nous allions devenir très amies.
Flore est habitée par une obsession : permettre à votre voix d’être entendue, et entendue fidèlement. Lorsqu’elle interviewe une personne, elle prend beaucoup de temps, revient plusieurs fois sur des points dont vous ne saisissez pas forcément l’importance, s’assure que vous avez vraiment pu vous exprimer comme vous le souhaitiez. Pour décrire sa présence face à la personne qu’elle questionne, je parlerais d’« active listening », une écoute active.
Son art d’écouter et ses attentes vous poussent à être meilleur face à elle. C’est d’autant plus galvanisant que nous ne sommes pas de la même génération. Que Flore mette autant d’énergie à aller capter la parole de jeunes activistes partout sur cette planète est, pour la personne de 20 ans que je suis, quelque chose de très émouvant
Vous n’étiez pas habituée à cette qualité d’écoute ?
Lorsque le premier tournage pour BIGGER THAN US a eu lieu, au printemps 2019, j’étais en pleine période de découragement, de frustration, et sans doute en proie à une forme de burn out. Il s’était passé deux années depuis notre première rencontre, et cette période d’investissement militant total m’avait laissé exsangue. Et d’autant plus que, dans ma lutte pour l’interdiction des plastiques en Indonésie, j’avais le sentiment que les choses n’avançaient pas assez vite…
En me proposant de m’embarquer dans BIGGER THAN US, Flore a réveillé quelque chose en moi, elle m’a redonné la foi et l’énergie. Le tournage du film et tous ces déplacements à l’autre bout du monde sont venus répondre à un sentiment de solitude que je sentais grandir en moi. D’un coup, il ne s’agissait plus seulement de moi, de mes frustrations, mon impatience, ma fatigue, mais bel et bien de quelque chose d’universel, un élan collectif, quelque chose à fabriquer ensemble, à raconter ensemble.
Le propos du film comme son titre sont d’ailleurs très clairs : il s’agit, pour chaque intervenant, de s’inscrire dans quelque chose « de plus grand »… Exactement. Le film est plus grand que nous, il nous dépasse, il fait partie d’un mouvement.
Je garde le souvenir de quelques moments, pendant les tournages, où je me mettais en retrait, par exemple à l’occasion d’une pause repas. À distance, j’observais Flore, l’équipe de techniciens, et puis aussi ces jeunes gens remarquables que sont Winnie, Rene, Xiuhtezcatl, les « personnages » du film. Et alors je me disais, un peu déstabilisée : pourquoi moi ? Pourquoi suis-je là ? Que suis-je censée faire parmi toutes ces personnes ? Or la réponse était simple et me ramenait à beaucoup de modestie : je devais juste rester concentrée sur « the bigger picture », c’est à dire le projet humain de ce film, qui est un film choral, et ne jamais mettre d’ego dans ma façon de me positionner
Pendant les tournages, Flore et moi avons cheminé et progressé ensemble. Nous avons une relation très honnête et directe, rendue possible par un profond respect mutuel. Nous nous disons tout de manière archi franche, et nous avons même eu des prises de bec frontales.
Mais c’est une chance : peu de gens sont capables de faire ça, de rester aussi honnêtes dans la manière de se dire les choses, même dans une situation de désaccord. Nous avons deux fortes personnalités, mais qui se sont fondues dans ce projet et cet élan collectif plus grand que nous
En vous rendant dans chacun des pays où avaient lieu les tournages, votre état d’esprit était-il toujours le même ?
J’ai pris une énorme claque lors du premier tournage au Liban. J’avais de fortes attentes, et je sentais déjà, sans l’avoir rencontré, une grande complicité avec Mohamad. Or, juste après notre arrivée, nous avons appris que Mohamad était bloqué en Suède : on ne le laissait pas venir jusqu’au Liban en raison d’un problème de visa – problème qui s’est ensuite solutionné.
En réalisant que son statut de réfugié syrien l’empêchait de voyager aussi librement que moi, je me suis effondrée. J’avais fait des heures d’avion, j’étais sur place, heureuse, libre… et lui ne l’était pas. C’était un choc terrible. D’un coup, toutes ces questions de nationalité, de passeport, d’idendité m’ont sauté au visage, et cette expérience a fait exploser la petite bulle de confort dans laquelle je flottais… Finalement, nous avons pu tourner avec Mohamad, et j’ai trouvé en lui une sorte d’âme sœur. De retour vers Bali, je n’ai pas pu fermer l’œil dans l’avion, j’ai noirci des pages de carnets de notes – ce que j’ai également fait plus tard, en rentrant de chaque voyage.
Après cette première expérience au Liban, mon approche de ces voyages a changé. Dans l’avion vers le Brésil, l’Ouganda, la Grèce, j’ai toujours essayé de faire le vide. D’organiser mes pensées pour n’avoir aucune attente. Je lisais les notes et la documentation que la production m’avait données, mais vers la fin du vol, je fermais les yeux et laissais le vide et la sensation d’inconnu prendre toute la place.
Dans quel pays vous êtes-vous sentie le plus « loin de tout », loin de chez vous, loin de ce que vous connaissez ?
Au Malawi, en compagnie de Memory, qui est une jeune femme au courage sidérant dans un environnement où la voix des femmes est tellement minorée. Je crois que cette séquence dans le film montre bien mon admiration et mon émotion pour ce qu’elle fait. Elle dégage beaucoup de puissance. J’ai souvenir d’un trajet en voiture avec elle, en route pour le parlement du Malawi. Comme elle portait des talons pour l’occasion, elle les a retirés et a conduit les pieds nus. Ce simple petit moment m’a tellement marquée…
Dans un autre registre, la rencontre avec Mary, cette jeune Anglaise qui porte secours aux migrants sur l’île de Lesbos, m’a également transformée. Elle est la personne la plus tournée vers les autres que je connaisse, l’égoïsme est une notion qui lui est totalement étrangère, et cela m’a fait grandir. J’ai appris tellement pendant ces voyages : étape par étape, je me suis laissé gagner par des sujets que je n’avais pas eu le temps d’appréhender dans ma vie, la question des migrations, l’accès à l’éducation, le combat pour l’émancipation des femmes, l’alimentation, la grande pauvreté…
En plus d’une connaissance désormais plus intime de ces sujets cruciaux, universels, qui y sont abordés, que vous aura apporté le film ?
Il a fait renaître en moi le sens du dialogue profond, la rencontre au sens le plus humain, le plus complet. J’ai reçu une éducation où ces valeurs étaient centrales : prendre le temps d’aller vers l’autre, prendre le temps d’écouter quelqu’un qui n’a pas le même vécu que vous. Mais cet appétit de connaissance s’est un peu estompé à mesure que mon travail d’activiste en Indonésie prenait toute la place. Au risque de faire les choses de manière un peu mécanique…
Le film m’a ramenée à ça, à ce plaisir et cette nécessité. BIGGER THAN US a un impact sur moi tous les jours. La pandémie aurait pu nous contraindre à nous cloîtrer, nous replier, mais avec Youthtopia, l’organisation au sein de laquelle je milite en Indonésie, nous avons fait exactement l’inverse, multipliant les espaces de parole, les séminaires en ligne, les conférences via écrans. Ce n’est évidemment pas idéal, mais ça permet quand même d’avancer
A quel moment le film sera-t-il succès à vos yeux ?
Il sera un succès si nous constatons que les gens qui le voient se sentent investis d’un pouvoir. S’ils se disent qu’eux aussi, ils peuvent agir, qu’ils ont un rôle à jouer, même modeste, et qu’il ne tient qu’à eux de se mettre en mouvement. Le film dit ça, il nous dit que chaque personne devrait s’inspirer de ces jeunes gens pleins de vie et de courage que Flore et son équipe sont allés rencontrer. Ces garçons et filles sur qui la peur ne semble pas avoir de prise se sont mis en mouvement très jeunes, parce qu’ils savent que le temps est compté. J’espère qu’ils seront sources d’inspiration pour le plus grand nombre.
FLORE VASSEUR
Entrepreneur à New York à 24 ans, Flore Vasseur vit la bulle Internet, le 11 Septembre et un système capitaliste qui craquèle de toute part. Depuis, elle écrit des livres, des articles, des documentaires pour comprendre la fin d’un monde et l’émergence d’un autre.
Avec ses quatre romans d’une effrayante lucidité, elle s’attaque à l’emprise de la finance et à la folie d’un monde assis sur la technologie. Elle interroge notre rapport au pouvoir, l’élite en mode panique et pose la question : qui gouverne ?
A côté de cette démarche de décryptage et parfois de dénonciation, elle entreprend un travail au long cours sur la piste des défenseurs des droits et des lanceurs d’alerte. A Moscou, elle réalise MEETING SNOWDEN autour de l’ancien contractant de la NSA. Son dernier livre, CE QU’IL RESTE DE NOS RÊVES, est un roman enquête sur l’histoire méconnue et réelle d’Aaron Swartz, enfant prodige du code qui nous voulait libre, persécuté par l’administration Obama.
Suite logique de ses quinze années d’enquête et d’écriture, BIGGER THAN US est son premier film documentaire de cinéma. Au fond, son travail porte sur la question du libre arbitre, de l’engagement et du courage. L’envie de vivre et d’être digne
INTENTIONS DE PRODUCTION
DENIS CAROT J’ai fondé Elzévir Films en 1993 avec mon associée Marie Masmonteil. Depuis, nous avons produit plus de 50 films pour le cinéma et la télévision, tels que Va, vis et deviens (Radu Mihaileanu, 2005), Home (Yann Arthus-Bertrand, 2009), La source des femmes (Radu Mihaileanu, 2011), Tous au Larzac (Christian Rouaud, 2011), Party girl (Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis, 2014), etc. Nombre de ces productions ont un caractère engagé sur des problématiques environnementales ou sociales. Prendre part à l’aventure Bigger than us en tant que producteur était donc pour moi une évidence : lorsque j’ai découvert comment Melati et d’autres jeunes activistes ont réussi à faire bouger les lignes, chacun dans leur communauté ou leur pays, j’ai décidé de mettre toute ma passion et mon savoir-faire au service de ce projet afin qu’il ait le plus grand retentissement possible.
MARION COTILLARD Depuis plus de vingt ans, je suis engagée pour des causes environnementales et sociales, cherchant toujours à sensibiliser pour créer un monde plus équitable. En devenant maman, j’ai tout de suite senti que mes enfants avaient beaucoup à m’apprendre. Leur génération choisit la vie et la dignité. Et elle nous montre le chemin. C’est pour cela que j’ai décidé de produire ce film, et d’aider Flore à nous raconter le combat de Melati et de tous ces jeunes activistes bien décidés à changer la donne.
LISTE ARTISTIQUE
MELATI WIJSEN MOHAMAD AL JOUNDE MEMORY BANDA RENE SILVA XIUHTEZCATL MARTINEZ MARY FINN WINNIE TUSHABE
LISTE TECHNIQUE
RÉALISATRICE FLORE VASSEUR ÉCRIT PAR FLORE VASSEUR et MELATI WIJSEN MUSIQUE ORIGINALE RÉMI BOUBAL 1ÈRE ASSISTANTE RÉALISATRICE DOROTHÉE MARTIN 2ÈME ASSISTANTE RÉALISATRICE ANOUK AFLALO DORE IMAGE CHRISTOPHE OFFENSTEIN, TESS BARTHES SON JEAN-LUC AUDY, FANNY WEINZAEPFLEN CHEFFE MONTEUSE AURÉLIE JOURDAN ASSISTANTE MONTEUSE SARAH SITRUK CHEF MONTEUR SON BENJAMIN ROSIER MIXEUSE FANNY WEINZAEPFLEN ETALONNAGE RICHARD DEUSY DIRECTRICE DE PRODUCTION RIITA DJIME PRODUCTION DÉLÉGUÉE DENIS CAROT elzévir films FLORE VASSEUR big mother productions COPRODUCTION MARION COTILLARD all you need is prod FRANCE 2 CINÉMA PRODUCTRICE.TEUR ASSOCIÉ.E.S MARIE MASMONTEIL LUDOVIC DARDENAY