Les 7000 spectateurs des tribunes de Lyon-Eurexpo ont littéralement vibré devant le spectacle en deux actes proposé par ce qui se fait de mieux actuellement dans le saut d’obstacles mondial. En effet, avec rien de moins que les cinq premiers cavaliers du classement mondial et de multiples médaillés olympiques et mondiaux, le Grand Prix s’annonçait de très haut vol. Les quarante pilotes au départ ont dû se sortir d’un tracé long de 14 obstacles et 17 efforts. Un tracé savamment dosé par l’équipe de piste emmenée par le Français Grégory Bodo et exigeant comme le commentait en amont de l’épreuve François-Xavier Boudant: « C’est un parcours très délicat où l’on démarre tranquillement mais ensuite on enchaîne les distances un peu en avant, un peu en arrière. Le triple en avant-dernière position est une autre difficulté».
LA GENT FEMININE BIEN REPRESENTEE
Premier à s’élancer sur la piste lyonnaise, le champion olympique par équipes de Rio, Kevin Staut en selle sur Beau de Laubry est proche de trouver les clés du parcours mais faute sur la fragile palanque positionnée en n°12 et dit adieu au barrage. Trois couples vont ensuite résoudre l’équation : l’Italien Emanuele Gaudiano associé à Crack Balou, Harry Charles (GBR) aux rênes de Romeo 88 et Pieter Devos (BEL) avec sa jeune Jarina J, âgée de neuf ans seulement.
Si le Brésilien Yuri Mansur et son styliste QH Alfons Santo Antonio survolent les obstacles, ils échouent aux portes du barrage pour neuf petits centièmes de trop. Le héros tricolore des Equita Masters presented by Hermès Sellier, Julien Gonin, ne peut éviter une faute de Valou du Lys sur la sortie du double n°6. Même résultat pour une barre en sortie de triple pour Nicolas Delmotte et Jordan Molga M qui effectuait là son premier Grand Prix 5*.
Le champion olympique de Tokyo, Ben Maher, déroule avec Dallas Vegas Batilly et rejoint son jeune compatriote. La France obtient enfin son ticket pour le barrage grâce à deux de ses trois amazones en lice : Pénélope Leprévost et Mégane Moissonnier avec leurs puissants Bingo del Tondou et Cordial. Elles sont rejointes par la Suédoise Wilma Hellström, accompagnée de Cicci BJN puis par l’Allemande, Jana Wargers avec Dorette, portant à quatre le nombre de cavalières qualifiées pour le barrage.
UN BARRAGE SANS DEUX DES FAVORIS
On compte alors huit barragistes lorsque Julien Epaillard entre piste. La foule retient son souffle lorsque Dubai du Cèdre se décale et fait vaciller le mur de Tokyo en n°4. Mais l’obstacle tient bon et la fin du parcours se déroule sans encombre. Le cavalier français le plus rapide de la planète sera donc bien de la fête et pourra défendre sa couronne acquise l’an passé avec Donatello d’Auge.
La Suisse sera aussi de la partie grâce à Martin Fuchs et Commissar Pezi. Simon Delestre confirme l’excellente forme du moment de Dexter Fontenis Z en signant le dixième parcours parfait. Il est imité par le champion d’Europe 2015, Grégory Wathelet avec Bond James Bond de Hay, offrant à la Belgique un deuxième ticket. On pense alors que deux des grands favoris de ce Grand Prix vont allonger la liste des barragistes.
Pourtant, le champion olympique et le champion d’Europe en titre commettent chacun une petite faute avec leurs baies, Iliana et Dynamix de Belhème. Le couple tricolore, révélation de cette saison, François-Xavier Boudant et Brazil du Mezel, rend à son tour une partition parfaite. Dernier à prendre le départ, Roger-Yves Bost se joue des difficultés et mène Delph de Denat*HDC au sans-faute.
LES BLEUS EN FORCE
Quatorze couples et sept nations seront donc au départ du parcours au chronomètre dont six chances françaises. Au vu des duos qualifiés, il va falloir être performant et ultra rapide. Le n°3 mondial, Ben Maher et sa Selle Français, révélée sous la selle de Nicolas Delmotte, prend les commandes avec un double sans-faute en 34’’59. Jana Wargers parvient à aller plus vite en 34’’05 mais faute sur l’avant-dernier vertical aux couleurs de CWD.
La cavalière Equita Riders, Mégane Moissonnier, boucle un nouveau sans-faute et s’adjuge la 6e place (38’’07). C’est alors à Julien Epaillard de faire son entrée. Comme toujours, le Normand prend tous les risques. Si la fille de Baloubet du Rouet fait un peu « de musique » sur l’oxer n°16, les barres restent sur les taquets et le couple réitère son exploit du premier tour en 33’’10. On pense que comme souvent, la messe est dite.
Et pourtant! Grégory Wathelet réussit l’exploit de détrôner « speedy » Julien. Comptant sur l’immense foulée de son bai, le Belge coupe la ligne d’arrivée en 32’’93. Incroyable ! Simon Delestre et François-Xavier Boudant tentent le tout pour le tout mais font respectivement tomber le dernier et l’avant-dernier. Ils finissent 7e (34’’01) et 9e (34’’29). Bosty quant à lui faute à deux reprises et termine 13e. Après une incompréhension avec son gris, Pénélope Leprévost est éliminée et ferme la marche de ce barrage.
A l’issue de cette troisième étape de la ligue d’Europe de l’Ouest du circuit Coupe du monde Longines FEI, l’Irlandais Richard Howley reste en tête du classement provisoire (40 pts). Il devance l’Allemand René Dittmer (30 pts). Premier Français, Simon Delestre remonte à la troisième place (27 pts) après sa 2e place dans l’étape d’Oslo (SWE).
LES RÉACTIONS
Grégory Wathelet : « Les barrages ne sont pas encore le point fort de mon cheval. Nous n’en avons pas beaucoup couru. Mais dès la première ligne, j’ai senti qu’il avait envie de jouer le jeu et qu’il était avec moi. Alors j’ai tenté le tout pour le tour. Je suis fier de lui.
Nous continuons à apprendre à nous connaître. Je le découvre d’ailleurs plus agile que ce que je ne pensais. On s’approche donc peu à peu de la réalité. Le parcours du Grand Prix était bien dosé, c’est du bon boulot. On sait que le public de Lyon est incroyable.
Dès la première épreuve, le premier jour, les tribunes sont pleines. Ca donne envie d’être présent. Mais s’ils sont derrière les Français, on se sent aussi poussé, c’est pour ça qu’on est là. Pour les prochaines échéances, ce devrait être Londres et Malines. Et évidemment, la finale si je parviens à faire suffisamment d’étapes pour me qualifier.»
Julien Epaillard : «Je suis très satisfait du comportement de Dubai. Depuis les Championnats d’Europe, elle a franchi un cap. Elle est de plus en plus régulière et fait une super fin de saison. Pour la suite, je fais de la finale Coupe du monde Longines FEI un objectif. Je vais alterner les étapes entre Dubai, Donatello et une autre jument que j’ai récupérée il y a peu de temps. Quant à la place de n°1 mondial, je n’y pense pas. Le mois d’octobre était un gros mois pour moi avec de nombreux points à défendre. Je vais plutôt perdre des places au classement qu’en prendre.»
Ben Maher: « Je suis très content de ma jument. Je voulais enlever une foulée entre le 1 et le 2 mais je n’ai pas réussi, ce n’était donc pas aussi fluide que j’aurais voulu. J’ai essayé d’aller le plus vite possible en sachant qu’il restait encore Julien à venir. Au final, c’est Grégory qui a été imbattable. Bravo à lui ! Lyon est vraiment l’un des plus beaux concours au monde, que ce soit par son public ou par son organisation.»
Sylvie Robert : «Encore une fois nous avons eu du grand sport lors de cette édition du Longines Equita Lyon. Je tiens à remercier la FEI pour sa confiance. Nous avons renouvelé notre partenariat pour le circuit Coupe du monde jusqu’en 2027. L’aventure va donc continuer. Nous ne pourrions pas non plus organiser un tel événement sans le soutien de Longines. Je tiens également à féliciter tous les cavaliers pour le spectacle qu’ils nous ont offert. Je remercie aussi Grégory Bodo qui a livré un parcours très « cheval » et c’est essentiel pour notre sport. Enfin, un grand merci à GL events et toute mon équipe qui permet que tout ça fonctionne. Nous avons eu un public formidable tout au long de ces cinq jours. On ressent une ferveur incroyable pour notre sport et pour le sport en France en général, qui va nous emmener jusqu’aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.»
Grégory Bodo : « Aujourd’hui nous avons eu 14 parcours sans-faute sur une bonne épreuve. A ce niveau tout se joue sur des détails.
La seule chose qui aurait pu être changée, c’est le chronomètre. Initialement nous voulions mettre 74 secondes et non 75 secondes. Après, nous avons assisté à un très bon barrage où les chevaux ont pu s’exprimer sans être à l’effort. C’était du bon sport, c’est ce que je retiens.»
Photos : PSV Jean Morel